Des habitants témoignent, sous couvert d’anonymat, d’un climat de tension permanent dans un quartier gangrené par la violence.
“C’est devenu banal, mais ce n’est pas pour autant qu’on s’habitue.” La phrase résonne à l’unanimité dans les paroles des quelques mamans ayant accepté de témoigner. Le Mas de Mingue est le quartier le plus éloigné du centre, enclavé à l’est de la ville dans la continuité du Chemin-Bas.
“Presque un village, comme le qualifie un des acteurs associatifs. Mais il concentre malheureusement une délinquance très dure.” À l’entrée du quartier, ce qu’on appelle “le bas”, le centre commercial est surplombé par un gros bloc gris dont les murs s’effritent et se fissurent. Ce bloc, c’est l’immeuble “les Grillons”. Son parvis a été le théâtre de plusieurs règlements de comptes ces dernières semaines. Il faut passer devant pour pénétrer au cœur du quartier.
Le climat d’insécurité s’est enraciné
“Il y a toujours eu des tirs, lance Sarah (*), habitante du quartier et mère de famille. Mais depuis le confinement, ça empire.” Si l’insécurité n’est pas l’unique problème du quartier, il reste cependant celui qui occupe le plus les esprits. Comment faire abstraction des tirs, des guetteurs, des silhouettes encagoulés qui passent d’un bloc à l’autre.
“Quand c’est arrivé la dernière fois, je ramenais ma fille de l’école. J’ai dû lui dire “Cours !”, on est parties en courant jusqu’à la maison.” Sarah habite le quartier depuis une quinzaine d’années. Dans ses souvenirs, l’ambiance était différente. Elle semble confuse quant au moment où le climat d’insécurité s’est enraciné si profondément dans les rues du Mas de Mingue.
“C’est après 20 h que tout se passe”
Elle se souvient : “Il y avait des règlements de comptes, mais pas de coups de feu. La poste était ouverte toute la journée. Il y avait des médecins. Et surtout un poste de police.” La nostalgie dans la voix de ces mamans révèle une image qui a autrefois existé, et existe encore mais est enfouie sous les violences qui gangrènent le territoire.
À ses côtés, Inès (*) ajoute : “Le soir en été, on restait là à papoter jusqu’à 23 h voire minuit ! Pendant le Ramadan aussi. Maintenant, à 20 h, tout le monde chez soi.” “C’est après 20 h que tout se passe”, complète Yousra*. Ces mots s’accrochent parfaitement à l’ambiance ressentie quand on arpente les rues. Peu de passants, ou alors en voiture, et peu, voire aucun commerce hormis ceux au pied des Grillons.
Le sentiment d’abandon
“De toute façon, à part pour aller au marché, on ne descend pas là-bas. Il y a la poste, enfin le nom de la poste, mais en fait il n’y a pas de poste.” Ce sont des éclats de rire qui retentissent à présent. “On ne sait pas trop ce qu’ils font, ils travaillent de 9 h à 11 h et encore”, s’interroge Yousra. “On rigole, mais c’est très sérieux”, corrige Sarah.
Depuis qu’il n’y a plus de poste de police, les habitants se sentent d’autant moins en sécurité. “Cela nous rassure qu’ils soient là. Vous voyez, depuis deux jours il y a les gendarmes et la police partout. On se sent vraiment mieux”, note Inès.
L’opération menée par la direction départementale de la sécurité publique devrait durer encore quelques jours. “Ici, quand on appelle la police quand il y a les coups de feu, elle ne vient pas. Ou alors quand elle arrive il est trop tard. De toute façon, ils n’ont peur de personne. Ils envoient des cailloux sur les voitures.” Elles hochent la tête en chœur. “Ce qui me rassurerait, c’est qu’il y ait l’armée ou les CRS”, pose Rachida (*).